Histoire
Stenn Technologies, fondée en 2015 par Greg Karpovsky, ambitionnait de révolutionner le financement du commerce international en combinant technologie et facilité d’accès à des fonds pour les PME. Sa promesse : avancer de l’argent sur les factures des fournisseurs (invoice financing), plus rapidement et avec plus de flexibilité que les banques traditionnelles. Grâce à cette vision, Stenn se développe rapidement, conquiert des marchés internationaux (70 pays selon ses propres chiffres), et parvient à lever des fonds auprès de grands acteurs financiers tels que Citigroup, Barclays, Natixis, et Centerbridge. À son apogée, l’entreprise est valorisée autour de 900 millions de dollars.
Mais au tournant de 2024, des signaux inquiétants émergent. HSBC Innovation Bank, l’un des prêteurs majeurs de Stenn, commence à enquêter sur des transactions suspectes après des liens apparents entre Karpovsky et des affaires russes : des documents montrent que certaines “entreprises partenaires” déclarées par Stenn n’ont aucun lien réel avec les groupes mentionnés, d’autres auraient des noms très proches d’entreprises bien établies, ce qui suggère des factures potentiellement fictives.
Le 2 décembre 2024, HSBC dépose une requête devant la Haute Cour du Royaume-Uni pour placer deux entités de Stenn, Stenn Assets UK et Stenn International en administration.
Quelques jours plus tard, les comptes bancaires de Stenn sont gelés notamment par Citi et l’administrateur Interpath Advisory prend le contrôle, licenciant des centaines d’employés.
L’enquête interne commence alors à se creuser : les administrateurs révèlent des “doutes sérieux” sur la provenance et la légitimité de certaines factures, ainsi que sur l’existence réelle de plusieurs fournisseurs.
En parallèle, le Financial Reporting Council (FRC) britannique ouvre une investigation contre les auditeurs de Stenn Azets (auditeur de 2017 à 2022) et Deloitte (audit 2023) suspectant des manquements dans la vérification des comptes.
À la suite de ces découvertes, le business model de Stenn est fortement remis en cause : certains des clients les plus “importants” évoqués par la fintech auraient nié avoir jamais émis de factures via Stenn, ce qui soulève la question de la validité d’une partie non négligeable du “legacy book” de la firme.
Dans la perspective des analystes, l’échec de Stenn rappelle celui de Greensill Capital : un modèle très “light touch”, peu régulé, et exposé à des transactions à haut risque.
leçons à tirer
L’effondrement de Stenn montre que la croissance rapide et la valorisation élevée ne protègent pas contre les risques : sans une gouvernance rigoureuse, une vérification stricte des partenaires et une transparence financière, même les fintechs les plus prometteuses peuvent s’avérer fragiles et un modèle de financement “innovant” peut se révéler toxique si la légitimité des clients et des opérations est douteuse.
Acteur, organisation et période
Acteur principal : Greg Karpovsky, fondateur & CEO de Stenn
Organisation : Stenn Technologies (spécialiste du financement de factures / invoice finance)
Période :
Création : 2015
Expansion majeure : années 2018-2023 (déploiement dans 70 pays)
Chute : décembre 2024, mise en administration par HSBC
Sources :
Image de https://www.finextra.com/finextra-images/top_pics/xl/greg-karpovsky---stenn-ceo-1-002.jpeg
https://www.gtreview.com/news/europe/collapsed-finance-provider-stenn-had-bank-accounts-frozen/
https://www.financialinstitutionsnews.com/2025/02/14/stenn-fintech-collapse-whats-happened-so-far/