Histoire et leçons à tirer
Histoire
L’objectif de 54gene est : « combler le fossé de la recherche génomique en Afrique dans le but de découvrir de nouvelles solutions de soins de santé pour les populations du continent et d’ascendance africaine. ». Selon le site Teknolojia, l’objectif de 54gene était de : « bâtir la première banque de gènes africains du monde, à l’heure où seulement 3% du matériel génétique utilisé pour les recherches pharmaceutiques proviennent d’Afrique sub-saharienne. ».
La healthtech lève une somme de 45 millions de dollars (4,65 millions de dollars après son incubation dans la Silicon Valley en 2019, au sein de l’accélérateur Y Combinator ; ensuite, 40 millions de dollars). Elle signe des partenariats avec l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS) (pour séquencer le génome des Sénégalais en mai 2022), le service de génétique humaine de la Faculté de médecine, de pharmacie et d'odonto-stomatologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. D’après le site We are tech Africa , « SEN-GENOME, une étude du patrimoine génétique des populations était prévue dès juillet 2022. Elle devait permettre de retracer l’histoire des populations sénégalaises et d’identifier des facteurs génétiques de risque des maladies telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, certaines maladies infectieuses et les maladies génétiques rares. Ses premiers résultats étaient annoncés pour décembre 2023. La poursuite de cette recherche devrait finalement être menée par le Sénégal lui-même… ».
En 2019, la pandémie de Covid-19 arrive. 54gene se lance dans la lutte contre cette pandémie. Elle développe le Covid-19 Testing Fund. À cette période, elle embauche massivement. Face à la baisse de la demande de tests COVID, 54gene se retrouve dans une situation financière précaire. Selon le site Teknolojia, une fois le gros de la pandémie passé, 54gene a dû licencier 30% de son personnel. Aussi, « La génomique est un domaine à forte intensité de capital, avec des coûts importants liés aux équipements de séquençage et au stockage cloud des données génétiques. », rapporte le site Weetracker.
La branche génomique lance une filiale panafricaine, 7RiverLabs, en décembre 2021.
Le problème est que la startup se retrouve sur tous les fronts.
En octobre 2022, Abasi Ene-Obong, l’un des fondateurs de la healthtech démissionne de son poste. Contrairement aux rumeurs de malversations financières rapportées par Techcrunch suite à sa démission, Abasi Ene-Obong s’est défendu. Il déclare : « Lorsque j'ai décidé de démissionner pour avoir une chance de reprendre ma carrière… j'ai lu que ma démission était liée à des allégations de malversations financières », a-t-il écrit. « C'est tout à fait faux, mais encore une fois, c'est le jeu des gens…Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas été accusé de malversations financières par mon ancienne organisation. J'ai obtenu une séparation complète (une rupture nette, comme on dit) lorsque j'ai demandé à être complètement séparé de l'entreprise et du conseil d'administration ». Abasi Ene-Obong était intègre financièrement, au point de sacrifier son salaire pendant des mois pour couvrir les primes des employés. Il déclare : « J'ai fait en sorte de ne jamais être le mieux payé de l'entreprise ». TechCrunch a retiré sa déclaration. TechCrunch a aussi présenté ses excuses pour son rapport.
En mars 2023, Ron Chiarello le remplace. Il est nommé président-directeur général. En fin de compte, il quitte l’entreprise trois mois plus tard, c’est-à-dire en juin 2023. En juillet 2023, il déclarait que la situation de la société n’était plus viable financièrement parlant.
Selon le média nigérian Techcabal, les raisons de la cessation d'activité de 54gene serait d’ordre financier et relationnel : des difficultés financières et des dissensions internes. Selon le site Weetracker, « C'est le chaos. De nombreux procès et toutes sortes d'allégations de fraude », a déclaré à WT une source proche du dossier, faisant allusion aux problèmes internes et externes qui ont étouffé 54gene et conduit à sa disparition… « La synergie manquait, et tout le monde n'était pas d'accord avec les investissements consentis par 54gene lorsqu'ils ont choisi de se lancer également dans le diagnostic après la Covid, en plus de leur activité principale, déjà très capitalistique », a déclaré une source proche de l'entreprise, préférant garder l'anonymat. « Les parties prenantes divergeaient quant à savoir s'il s'agissait d'une diversification astucieuse ou d'un détournement inutile. » ».
Selon Ene-Obong, l’ancien PDG de 54gene, la faillite de 54gene n’était pas due à une mauvaise gestion financière, mais plutôt à de mauvaises décisions commerciales, des conflits interpersonnels aux plus hauts niveaux de direction et des manipulations. Pour Ene-Obong, « Lorsque quelqu'un se lève pour faire quelque chose d'inédit et qui donne du pouvoir aux Africains, divers intérêts le sabotent ou tentent de le saboter » et « les projets transformateurs sont sabotés ».
Selon le site Weetracker, « Face à une pression croissante, Ene-Obong a révélé s'être senti contraint de signer des documents qu'il désapprouvait afin de protéger l'entreprise qu'il avait créée. Il a expliqué avoir quitté l'entreprise dans un climat de controverse, divers acteurs diffusant des récits trompeurs sur ses échecs ».
Ron Chiarello affirme : « Lorsque les entreprises échouent, aussi altruistes que soient leurs objectifs, des désaccords surgissent ».
L’entreprise a été mise en liquidation en juillet 2023. Le site web de l’entreprise est inaccessible en septembre 2023.
Le 15 septembre 2023, Abasi Ene-Obong a annoncé le lancement de sa nouvelle entreprise Syndicate Bio sur les réseaux sociaux. « Cette société est aussi focalisée sur la recherche génomique et la médecine de précision. ».
Leçons à tirer
L’histoire de l’entreprise 54gene nous montre que la levée des fonds ne garantit pas le succès ou la réussite d'une entreprise. Si la levée de fonds peut être un coup de pouce significatif, elle n'est pas une solution miracle. Elle ne remplace pas : la communication au sein d’une équipe, une bonne gestion, un produit viable et une adaptation au marché. Tout n’est pas question d’argent. La réussite d’une entreprise n’est pas seulement liée au volet monétaire. Il est aussi question du « produit », du choix d’un modèle économique viable pour soutenir le produit, de la viabilité du projet, de la faisabilité du projet, de la communication au sein de l’équipe et autour du produit.
Lorsque l’entente n’est pas au beau fixe dans l’équipe projet, le projet peut prendre un coup. Le manque de communication et/ou entente au sein d’une équipe de travail, le manque d’une vision commune peuvent couter la survie de l’entreprise. 54gene en a payé les frais.
Abasi Ene-Obong sacrifiait son salaire pendant des mois pour couvrir les primes des employés. Cette situation met en évidence le fait qu’un entrepreneur prend parfois des décisions fortes pour faire survivre son entreprise.
L’histoire de 54gene soulève une réflexion, à savoir le développement autonome des entreprises, sans forcément recourir à des levées de fonds. Il est vrai que la levée de fonds peut permettre la croissance d’une entreprise. Mais, il faudrait aussi réfléchir à pouvoir développer les entreprises à la fois de façon autonome, et avec des levées de fonds, de telle sorte qu’au cas où l’une des méthodes ne marcherait pas, l’autre méthode pourrait passer.
Il faut retenir aussi que lorsqu’un projet échoue, ce n’est pas forcément la vision qui a échoué, mais plutôt un moyen de mettre en marche la vision qui a échoué. Il faut pouvoir s’adapter à la situation d’échec et pouvoir se relever de cet échec, afin de continuer à avancer. Abasi Ene-Obong continue d’avancer avec la Syndicate bio. En effet, de sa traduction en français sur son lien Linkedin, Syndicate Bio est une plateforme biotechnologique qui pilote des initiatives en génomique et en médecine de précision dans les régions les plus diverses du monde. Quant aux autres fondateurs de 54gene, Damilola Oni et Ogochukwu Francis Osifo se sont respectivement reconvertis dans le secteur de la technologie, de l’information et l’Internet. Gatumi Aliyu, quant à lui, s’est reconverti dans le secteur des services de restauration.
Sources
Image de https://www.dabafinance.com/fr/nouvelles/nigeriabased-biotech-startup-54gene-to-shut-down
https://teknolojia-news.com/2023/10/04/54gene-effondrement-startup-ambitieuse/
https://weetracker.com/2023/09/29/african-startup-54gene-shuts-down/
https://techpoint.africa/news/54gene-founder-breaks-silence-on-resignation/
https://weetracker.com/2024/10/18/founder-speaks-on-54gene-collapse/
https://www.linkedin.com/in/abasieneobong/
https://www.linkedin.com/company/syndicate-bio/
https://www.linkedin.com/in/damilola-oni-970950105/?originalSubdomain=ca
https://www.linkedin.com/company/buildas/about/
https://www.linkedin.com/in/gatumialiyu/
https://www.linkedin.com/company/vendeaseafrica/about/
https://www.linkedin.com/in/francisosifo/
https://www.linkedin.com/company/raydahq/about/
